Les Ames Envolées - Nicolas Le Breton

Date de sortie : Décembre 2014

Résumé

1916. La Première Guerre Mondiale bat son plein. Les automobiles n'ayant jamais été inventées, les airs sont colonisés par des zeppelins, des avions et des giffardines de toutes tailles et propulsés par toutes sortes de moyens révolutionnaires. Le XIXe siècle et sa boulimie d'inventions ont laissé des traces...

Louis Lépine, ancien préfet de Paris adulé et amateur de petite mécanique précise (et souvent destinée à des usages rocambolesques) jouit d'une retraite bien méritée après des décennies de bons et loyaux services.

Toutefois, des scientifiques disparaissent les uns après les autres, éminents ou anonymes, et Lépine reprend du service face aux éléments étranges auxquels est confrontée la Police de Paris...

Pourquoi ce livre?

Le roman se revendique clairement du courant steampunk, mon talon d'Achille et ma tasse de thé pour ainsi dire. Seul, ce n'est toutefois aucunement un gage de qualité, car il faut une écriture bien dosée pour rendre honneur à ce sous genre littéraire qui ne cesse de prendre de l'ampleur depuis quelques années (à tord ou à raison). Pour ma part, tous les exemplaires de la librairie étant sous plastique, il m'a donc fallu faire confiance à la quatrième de couverture (qui promettait un peu d'humour, ce donc j'ai grand besoin) et au nom de l'éditeur, Les Moutons Electriques, peu commun s'il en faut et que je pensais avoir bien déjà lu quelque part.

Le livre est beau, d'une taille conséquente sans être encombrant, agréable à manipuler. La couverture fait la part belle aux paysages de montagnes grandioses.

L'histoire

Alors là, vous serez servis. Enlèvements, sociétés secrètes aux idéologies douteuses, expéditions, combats aériens, complots entre nations, cadavres qui se relèvent, forces cosmiques à l'oeuvre...

L'histoire est parfaite, bien qu'il faille finalement un certain moment avant d'identifier clairement toutes les forces en présence. Jusqu'à la moitié du livre environ, je me suis demandé à quel bord appartenaient Léontine et ses connaissances...

Pour ceux qui sont férus de XIXe siècle, plusieurs noms illustres des sciences ou de la politique sont évoqués, voire incarnés. Mon seul regret, c'est qu'il n'est fait que très rapidement mention des Brigades du Tigre, ce qui pourrait être à mon avis un autre sujet de roman tout à fait passionnant.

Les touches d'humour ici et là, dans les répliques, les situations ou les personnages sont bienvenues.

Ce tome se termine sur une note douce-amère, ouvrant des perspectives peu réjouissantes quant au devenir de l'Europe, et il faudra sans doute attendre un 2e tome au ton post-apocalyptique pour en savoir plus.

Le style

Le style de l'auteur est irréprochable. Tout au plus je pourrais lui reprocher de parfois avoir recours à des mots précis et recherchés dont il pourrait se dispenser lors de ses descriptions, mais qui loin d'être jetés au hasard sont soigneusement incorporés dans les phrases, alors finalement pourquoi pas...Les descriptions coulent avec une sorte de poésie, l'auteur n'ayant pas son pareil pour évoquer les montagnes majestueuses, éternelles et mortelles de l'Himalaya comme le spectacle désolant et contre-nature des tranchées de 14-18, le tout baignant dans l'omniprésence de l'aviation et de ses avatars, merveilles de toile et de métal.

Par la diversité des lieux (tous emblématiques ou évocateurs d'une façon ou d'une autre : Paris, Inde, l'Himalaya, les grottes souterraines, Shangri La, bords du lac Léman, tranchées), et par l'assemblage de personnages hétéroclites tous unis par le destin dans un but commun (le vieux policier aguerri, la jeune et belle pilote, la medium et son franc parler, l'horloger de génie, l'alpiniste énigmatique) c'est un véritable roman d'aventure, comme ceux que Jules Verne inventa en son temps. Je sais gré à l'auteur d'avoir évité l'Egypte, destination exotique utilisée à l'excès dans les romans steampunk du moment dès lors qu'il faut déplacer l'action hors des frontières civilisées...

Les débuts de chapitres sont agrémentés de petites citations, parodiant les journaux de l'époque ou les réclames étranges, ce qui ne fait qu'ajouter au plaisir de la lecture.

Les personnages

Tous sont bien finis et bien croqués. J'avoue avoir eu un peu de mal au début avec la romance improbable entre Lépine et la baronne, mais comme l'un et l'autre sont attachants ça finit par passer bien. De même, j'ai du relire attentivement les premiers chapitres pour ne pas confondre Lahire et Jullien, sans doute parce qu'ils sont introduits au lecteur en même temps mais sans leur attribuer d'emblée des signes distinctifs (ou bien c'est moi qui commençait à fatiguer à la lecture hein, c'est tout à fait possible aussi).

Le mot de la fin

Sans etre aussi déjanté et léger que le Protectorat de l'Ombrelle, Les Ames Envolées reste un excellent roman d'aventure, fera sans nul doute date dans l'univers du steampunk français, et sera je l'espère continué dans lesecond tome de ce cycle Pax Germanica. Je vous engage également à aller jeter un œil aux autres titres proposés par l'éditeur (http://www.moutons-electriques.fr/), d'horizons et de styles différents mais tous selectionnés avec soin.

Note : 18/20